JOSEPH KABILA CONTRE L’ÉGLISE CATHOLIQUE :

LA BATAILLE DES STRATÈGES OU LES ROUNDS D’UNE GUERRE INTELLIGENTE…

La définition canonique de la guerre comme un conflit collectif, organisé et durable se déroulant sur un territoire et entrainant mort d’hommes est aujourd’hui obsolète. Le conflit clausewitzien opposant des armées identiquement équipées appartient désormais à l’histoire au regard de nouvelles règles de jeu où l’on gagnera ou l’on perdra une guerre selon que l’on prendra à temps l’information sur son ennemi et l’on anticipera des actions sur lui pour le contrôler et lui faire faire ce que l’on veut et lui imposer sa volonté. La stratégie de la terreur exercée par l’armée plus équipée sur un petit groupe démuni ne fonctionne plus à cent pour cent. Sachant n’avoir aucune chance dans une guerre conventionnelle, beaucoup de stratèges réussissent à tirer à leur profit cette asymétrie des forces. Et c’est cela qui est en train de se reproduire en République « Démocratique » du Congo.

Face à un ennemi beaucoup plus fort (Kabila et son régime) armé jusqu’aux dents, des petits groupes minuscules conçoivent des stratégies de guerre non violente, faisant de leur taille et de leur désespoir des armes létales contre une puissance monstrueuse. C’est cela le combat intelligent dont vous découvrirez dans les lignes suivantes les différents huit rounds qui scandent la bataille des stratèges à Kinshasa.

1. S’il y a eu une image qui a pu retenir l’attention d’un grand nombre d’internautes le lundi 11 décembre 2017, c’est bel et bien celle du cardinal Monsengwo pris en photo avec Moise Katumbi quelque part en Europe, très probablement dans l’enceinte de l’aéroport de Zaventem à Bruxelles. Cette image parlait plus que mille mots et dans le contexte très tendu où le cardinal multipliait des déclarations hostiles au maintien de Kabila au pouvoir, son poster avec celui considéré à tort ou à raison (c’est selon) comme l’ennemi numéro un du pouvoir de la kabilie revêtira une saveur hautement politique et deviendra très vite un cliché viral sur les réseaux sociaux. Le lever de bouclier ne se fera pas attendre dans le camp de la Majorité Présidentielle. Et de fait, ici, le prélat s’en sortira avec une victoire à demi-teinte quant à l’évolution ultérieure des événements où le G7 semblera indiquer son rapprochement de plus en plus manifeste vis-à-vis de ces ennemis qui veulent la peau du prélat. Scène à peine dissemblable de l’arroseur arrosé d’autant plus qu’aucun de ténors de cette plate-forme ne sera au rendez-vous de la marche de dimanche 31 décembre et, en plus, aucun parmi eux ne prononcera une condamnation ferme contre la barbarie de la soldatesque de Kabila. PREMIER ROUND.

2. De la configuration des guerres antiques, les générations modernes se posent rarement la question de savoir pourquoi chaque armée se faisait accompagner sinon précéder des tambours et trompettes. En réalité, les « ululatus » ou ces cris de guerre associés aux sons stridents et bruyants des instruments de musique constituaient une étape importante de la bataille car elle semait la panique dans le camp adverse. Cette musique de la peur a été remplacée de nos jours par des informations qui font le buzz sur la toile. Et la décision largement médiatisée et mise en exécution, dès la première moitié de décembre 2017, de sonner des cloches dans les églises puis de faire résonner des sifflets et des bruits des casseroles chaque jeudi à 21 :00 a semé une peur bleue dans le camp adverse qui était surpris par la nouveauté de cette méthode subversive qui ne se conformait plus au canon des celles utilisées ordinairement par l’opposition congolaise.

La plainte judiciaire déposée le jeudi 14 décembre 2017 au tribunal de Kalamu par Willy Mishiki (sous commande de PPRD) a été une grossière réponse qui a contribué à faire gratuitement de la publicité de son adversaire grâce à deux convocations dont la presse nationale et internationale assurera une large couverture médiatique, démontrant en même temps la victimisation à outrance de l’accusé via l’obsession du régime à étouffer les droits fondamentaux des citoyens. Et l’argument puéril de l’AVC invoqué au profit de son client Pambi Yoka qui jouissait plutôt d’une bonne santé démontrait à suffisance la mauvaise foi du camp présidentiel sinon sa peur à peine masquée du camp adverse. SECOND ROUND.

3. Le vendredi 29 décembre 2017, Kabila commet l’erreur monumentale de s’envoler avec sa famille vers Goma, donnant clairement le signal qu’il redoute les événements de 31 décembre prochain et laissant ses milices faire le sale boulot pendant que lui sera à cheval entre la frontière congolo-rwandaise. Position jugée idéale par ses nombreux détracteurs qui l’accusent de chercher à sauver sa peau dans le pire des cas. Un général-major qui fuit le théâtre des opérations en s’éloignant de ses troupes perd, sans le savoir, et son prestige de condottieri et la confiance de ses hommes d’armes. Il a donné l’impression d’avoir été déstabilisé par les hurlements « ulalatus » des cloches des églises et de vouloir sauver sa propre peau devant l’éventuel carnage commandité par lui-même. TROISIÈME ROUND.

4. Le samedi 30 décembre en tout désespoir de cause, la télévision d’État diffuse largement l’interdiction de la marche anti-Kabila annoncée par André Kimbuta qui annule l’initiative des laïcs catholiques, invoquant l’insuffisance des effectifs des policiers pour encadrer les manifestants. « Je ne prends pas acte de l’autorisation sollicitée par les organisateurs» tonne au micro le gouverneur de la ville de Kinshasa. Le Comité des Laïcs annule à son tour la décision de Kimbuta. « La loi nous demande d’informer l’autorité et nous lavons fait. La loi ne dit pas que l’autorité a le droit de refuser. Nous avons fait un document écrit, l’autorité devrait nous répondre par écrit et non par un communiqué lu à la télévision. » Ceci dit, les laïcs prennent une décision solennelle qui va défier celle du Maire de la ville : « Nous marcherons parce que c’est un droit constitutionnel. Dans ce pays nous devons apprendre à respecter la Loi et la Constitution. Marcher est un droit constitutionnel.» Cette réponse cinglante à Kimbuta signait la première victoire stratégique des stratèges du CLC, démontrant que rien ne pourra les faire reculer quant à l’exercice de leurs droits fondamentaux garantis par la Loi. QUATRIÈME ROUND.

5. Nous sommes à la veille du jour J. La situation est tendue dans la capitale congolaise. Chaque camp fourbit ses armes pour la confrontation décisive du lendemain. En l’occurrence, les armes spirituelles (Bible, chapelets, crucifix) pour les chrétiens et l’armada d’armes de guerre pour le camp présidentiel. La cellule de commandement de Kabila décide d’attaquer ses adversaires par surprise dès le samedi 30 décembre 2017, pour intimider les masses populaires et les empêcher de sortir de leurs maisons en vue de vouloir se rendre à la prière dominicale le jour suivant. Ainsi donc, dès 20 :00, elle décide de positionner des chars de combat devant les églises situées dans les quartiers chauds de Kinshasa. Mal lui en a pris ! A peine les chars se positionnent dans la paroisse Saint Benoit à Lemba, les services de Kabila, commettant l’imprudence de faire l’excès de zèle, se saisissent du curé de cette paroisse pour le séquestrer et ce simple geste aura suffi pour jeter le feu à la poudrière… La population locale qui suivait la situation de très près se soulève comme un seul homme contre les envahisseurs et devant la disparité numérique, les chars reculent et battent en retraite. La population savoure sa victoire et l’information est abondamment relayée sur la toile comme premiers signaux annonçant la victoire pour le dimanche suivant. CINQUIÈME ROUND.

6. Plus tard dans la nuit du même samedi, lorsque Monsieur Eméry Okudji, ministre de PTT, rendra publique une note de service annonçant la coupure de l’internet, des SMS et des réseaux sociaux, le régime de Kabila est loin de se douter qu’il est en train d’étendre à tout le peuple congolais un châtiment qui jusque là ne pouvait être réservé qu’à une portion de congolais. Il offre sur un plateau d’or ce que recherchaient les laïcs catholiques. A savoir agréger toutes les sensibilités non catholiques à la cause de leur combat. En coupant l’internet et les réseaux sociaux, toutes les composantes du peuple congolais (même celles du PPRD) se sont senties injustement lésées et rangées indistinctement dans le camp ennemi de Kabila. Ce dernier s’est aliéné la grande majorité des congolais dans un scénario d’un contre tous… SIXIÈME ROUND.

7. Enfin le soleil se lève sur Kinshasa le dimanche 31 décembre qui se veut le dernier jour de l’année 2017 mais aussi ce jour fatidique marquant la fin du délai de prolongation d'une année concédée au deuxième et dernier mandat non renouvelable de Kabila, d’après l’Accord de la Saint Sylvestre signé une année auparavant et dont aucune clause n’a été respectée par le président honoraire et sa famille politique… Forts du droit leur conféré par l’article 64 de la Constitution, les chrétiens se préparent à marcher pour réclamer le respect des accords pris entre parties sous l’égide de l’église.

Le gouvernement quant à lui qualifie ce mouvement de subversif contre les institutions de l’État et prend la décision de le mater avec la dernière énergie de la répression. L’armée nationale, mais surtout ses unités d’élite venues de Sud-Soudan, de Congo-Brazzaville, de l’Ouganda, de Zimbabwe et de l’Afrique du Sud prennent position devant les églises. Lorsque Kabila et ses services se décideront de lancer l’assaut contre les lieux de culte, ils vont tomber dans un grand piège qui leur a été tendu par les organisateurs des ces marches de 31 décembre 2017. Et de quelle manière? En annonçant par un communiqué officiel que les points de jonctions de différentes marches des paroissiens seront communiqués à la messe de dimanche juste avant la marche, les services de Kabila ont mordu à l’appât en ayant vraiment cru à la possible prise de palais du peuple, de la radio ou des sièges des institutions. Ils vont tous tomber dans le piège…

Car contrairement à ce que les stratèges de CLC ont voulu faire croire au régime pour les « ruser », leur communiqué lu par des curés le dimanche matin demande scrupuleusement aux manifestants de sortir de l’église, de faire un tour d’un rayon d’à peine 300 mètres, pour finir par revenir vers le même bâtiment et lire ainsi une déclaration. Le même procédé a été explicitement demandé à tous les fidèles des différentes églises, qui ne devraient guère marcher sur une longue distance. Ainsi, la marche tant clamée par les Catholiques s’est transformée en un piège qui pousse le pouvoir à la crainte, l'obligeant de s’offrir en spectacle devant les cameras du monde entier dans une série de violation massive de droits de manifestation et dans une répression disproportionnée avec des attaques excessivement brutales devant des chrétiens à mains nues, à genoux en prière et sans volonté de répliquer ni avec des pierres ni avec des injures. De leurs lèvres ne sortaient que des chants de louanges et des prières.

Ces images tournées en boucle dans les télévisions du monde entier ont terni considérablement le régime de Kinshasa devant l’opinion internationale. Kabila l’homme le plus puissant du Congo qui a driblé pendant deux décennies toutes les forces politiques du pays vient de se laisser battre à plate couture par des pauvres personnes en prière. Ne le sait-il peut-être pas encore? Aucun président ne peut encore valoir quelque chose à la face du monde après avoir démontré sa grande férocité à écraser avec des chars, des femmes et des enfants en prières… Cette image poursuivra Kabila jusque dans sa tombe si du moins il la méritera… SEPTIÈME ROUND.

8. Deux jours après la répression sanglante, l’archevêque de Kinshasa lit une mise au point pour traiter de barbares les agissements de nos prétendus vaillants hommes en uniforme aux événements de dimanche et pousse quasi à la sortie de la scène, la classe politique jugée de médiocre pour permettre l’alternance avec une autre de mieux préparée à rétablir la paix. « Il est temps que les médiocres dégagent et que règnent la paix et la justice en RDC. » Cette parole assassine est le mot de trop pour pousser le camp présidentiel à envoyer ses griots au duel. Son sempiternel Mende Omalanga ne tardera pas à monter au créneau mais pour commettre la énième bévue d’avoir mal évalué avant de prendre parole, la situation globale et les renversements de plus en vue manifeste de rapports de force.

Au lieu d’attendre l’enterrement des cadavres dont sont comptables les milices anglophones de sa famille politique, il commet l’imprudence de réagir à brule-pourpoint comme il le fait d’habitude avec l’opposition politique congolaise. Il ignore complètement que parmi les victimes, se comptent et des militants de l’opposition et des militants de pprd, bref des simples gens du petit peuple qui sont allés prier le matin et beaucoup parmi eux n’avaient même pas l’intention de faire la marche mais sur lesquels les hommes du camp de Mende ouvriront le feu sans distinction… Dans son accusation contre le prélat d'avoir insulté les autorités "démocratiquement élues", Mende met le doigt dans la plaie puante de la Majorité présidentielle qui dirige hors de tout mandat démocratique et refuse d'appliquer l'alternance qui se veut le principe même de toute démocratie.

En justifiant d’avoir tiré sans sommation sur des "prétendus" terroristes qui voudraient déstabiliser l’état, Mende enfonce encore un plus un Kabila déjà lâché par le peuple congolais qui désormais le reconnait de moins en moins comme son chef au regard de sa passion à tuer ses filles et fils. En prononçant ad rem ses catilinaires musclés contre la personne du cardinal, il touche à la profonde sensibilité des masses populaires qui trouvent plutôt en cet homme comme l’unique interlocuteur qui comprend encore ses misères et lutte pour sa libération de l’oppression. En voulant trop faire avec son zèle habituel, Mende grossit encore davantage l’aura de Monsengwo et du coup écorne un peu plus l’image déjà affaiblie de son chef et de sa famille politique. Au pire, il a creusé un peu plus en profondeur le fossé entre le pouvoir et le peuple congolais dans un processus irréversible.

Ce jeudi qui célèbre la journée des martyrs de l’indépendance, l’archevêque de Kinshasa a choisi de répondre à Mende non point sur un média national mais sur la Radio Vaticane écoutée sur les cinq continents. « C’est du jamais vu… s'insurge le cardinal . Les soldats sont entrés dans nos paroisses, y compris dans la cathédrale Notre-Dame… Ils ont écrasé les gens qui voulaient défiler avec la Bible à la main. C’est du jamais vu. ». Au micro du journaliste qui l'interviewe , il va un peu plus loin en prononçant cette sentence mortelle : « L’on ne peut plus faire confiance à des gens incapables de défendre des populations civiles. On ne peut plus faire confiance à des gens vivant des mystifications et des mensonges autour de leurs personnes et de leur pouvoir. Il est temps que la vérité emporte sur le mensonge.»

Je ne sais prédire les événements qui feront suite à ce huitième round mais tout concourt à considérer cette confrontation entre Kabila et l’église catholique comme une bataille très féroce. Moins par la force de ses muscles que par une somme de stratégies pensées et repensées en fonction du profil de l’ennemi qu’on pousse stratégiquement à l’erreur pour le laisser prononcer contre soi-même sa propre condamnation devant le tribunal de l’histoire. Qui vivra verra !


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